Eaux-de-vie internationales
En ce chaleureux temps des fêtes, accoudons-nous à notre bar étymologique, où, depuis les deux précédents jours de l’an, on vous sert à boire nos Remontants des fêtes et autres Fluides vitaux. Avec les scotch, bourbon, vodka et aguardiente, nous vous offrons cette année une sélection internationale venue d’Écosse, des États-Unis, de France, d’Europe de l’Est et d’Amérique latine. Pour vous aider à réussir le test de l’étymomètre, la maison vous propose des doses plus petites, avec des articles plus concis. Mais, en compensation, nous vous versons un quatrième verre au lieu des trois habituels… Bonne année, et à votre santé !
scotch
L’adjectif Scotch signifie en anglais ‘écossais’. Il s’agit de la contraction de Scottish, qui ne supplanta Scotch en Angleterre qu’au XXe siècle (mais dès le XIXe siècle en Écosse). L’adjectif contracté fut associé au nom whisky pour désigner le type de whisky fabriqué en Écosse. Ce type de whisky était fait à l’origine d’orge maltée, qui fut remplacée par le blé ou le seigle avec l’avènement de la distillation commerciale à la fin du XVIIIe siècle. Ce fut d’ailleurs à cette époque qu’apparut son appellation anglaise de Scotch whisky ; l’expression fut abrégée en Scotch un siècle plus tard. En français, l’expression abrégée scotch (en minuscule) fait son entrée un peu avant la Deuxième Guerre mondiale. On note cependant des attestations de la forme longue au XIXe siècle.
bourbon
Le bourbon est un type de whisky américain fabriqué principalement à partir de maïs, ou parfois de seigle ou de blé. Il doit son nom au comté de Bourbon, aux États-Unis, dont il serait originaire. Autrefois beaucoup plus étendu que le comté actuel, le comté de Bourbon recouvrait ce qui est aujourd’hui le nord-est de l’État du Kentucky, appelé désormais Old Bourbon (Vieux-Bourbon). Il avait été nommé en 1785 en l’honneur de la troisième maison des Bourbons en reconnaissance de l’assistance du roi Louis XVI pendant la guerre d’Indépendance des États-Unis. Le nom de la maison tire son origine du château de Bourbon, acquis au Xe siècle par l’ancêtre de cette famille (Aymard) et situé dans la localité du même nom (aujourd’hui, Bourbon-l’Archambault, dans le département de l’Allier). Le toponyme rend hommage au dieu gaulois des sources, Borvo, à cause des sources thermales qui s’y trouvent. En ce qui concerne le nom commun bourbon, il est attesté en anglais depuis la moitié du XIXe siècle, et est connu en français depuis le début du XXe siècle.
vodka
Boisson emblème de la Russie et de la Pologne, la vodka est une eau-de-vie de céréales (ou de pommes de terre). Le mot slave vodka constitue un diminutif signifiant ‘petite eau’, probablement une désignation affectueuse de cette « eau » qui réchauffe le cœur ! Il suit en ce sens la formation de plusieurs autres noms de spiritueux formés à partir d’un mot signifiant ‘eau’ : whisky, eau-de-vie, akvavit, aguardiente, etc. Plus précisément, vodka serait au départ un mot du polonais, qui exprime le diminutif à l’aide du suffixe -ka (wódka), alors que le russe emploierait plutôt le suffixe -ička [itchka] (ce qui aurait donné vodička). Le fait que le mot ait d’abord été attesté en Pologne vient renforcer cette hypothèse. Le mot russe aurait donc été emprunté au polonais, puis le français l’aurait emprunté au russe au XIXe siècle. La graphie largement dominante depuis son emprunt est vodka, quoiqu’on atteste ici et là, surtout au XIXe siècle, d’autres graphies exceptionnelles telles que vadka et wodka.
aguardiente
Aguardiente, qui se décompose en agua ‘eau’ et ardiente ‘ardent’, signifie ‘eau-de-vie’ en espagnol. En français, aguardiente désigne spécialement, depuis le XIXe siècle, les diverses eaux-de-vie consommées en Amérique centrale et du Sud. Il constitue le calque de l’expression latine aqua ardentis ‘eau ardente’, dont le synonyme, aqua vitae, a donné eau-de-vie en français. Par ailleurs, le français utilisait aussi autrefois le correspondant de aguardiente, soit eau ardente, comme en fait foi cette citation de François Rabelais tirée de Gargantua (1534) :
(en moyen français) « Luy bailla une boette pleine de euphorbe, et de cocognide, conficts en eaue ardente, en forme de composte. »
(en français moderne) « Il lui donna une boite pleine d’euphorbe et de poivre des montagnes (sorte de daphné) confits dans de l’eau-de-vie, ayant l’aspect d’une compote. »