Prêt, pas prêt ?
Un utilisateur est en proie au doute :
J’ai écrit dans un texte que j’ai diffusé sur Facebook que je n’étais pas prêt d’oublier un évènement. Après ma publication, j’ai cru nécessaire de me raviser. J’hésite, ne doit-on pas écrire que l’on n’est pas près d’oublier un évènement ? Il me semble finalement que les deux expressions peuvent s’employer, sous réserve, dans le premier cas, de remplacer le de par à. Qu’en pensez-vous ?
En français contemporain, on fait la distinction entre deux tournures, en fonction du sens que l’on veut donner à sa phrase.
La tournure prêt à faire quelque chose signifie « disposé, préparé, décidé à le faire », « en état de le faire » ou encore, en parlant d’une chose, « préparé, apprêté pour le faire ». Le mot prêt est un adjectif qui s’accorde en nombre et en genre avec le nom auquel il se rapporte. Voici quelques exemples :
Je suis prêt à commencer quand vous le voulez.
Les nageuses semblent prêtes à prendre le départ.
Il se dit prêt à se sacrifier pour cette cause qui lui est si chère.
Le patient est prêt à être examiné.
L’imprimante est prête à fonctionner.
La tournure près de faire quelque chose, quant à elle, exprime la proximité temporelle, l’imminence. Elle signifie « sur le point de, à la veille de, en passe de, non loin de le faire ». La locution près de est une locution prépositionnelle, donc invariable. Voici quelques exemples :
Cet immeuble en ruine semble près de s’écrouler.
Je sens que notre cause est près de triompher.
Je n’en peux plus, je suis près de tout abandonner.
La source est près de se tarir.
Le spectacle était près de se terminer quand l’accident est survenu.
Cette tournure est fréquemment employée en construction négative. La négation de la proximité temporelle exprime alors un avenir éloigné :
La situation n’est pas près de s’améliorer.
Après sa mésaventure, on n’est pas près de le revoir dans les parages.
Cette tradition n’est pas près de disparaitre.
C’est justement à une construction négative de ce type qu’appartient la phrase soumise en introduction :
Je ne suis pas près d’oublier cet évènement.
En supposant que cette phrase veuille simplement signifier « cet évènement restera longtemps gravé dans ma mémoire » ou, plus littéralement, « je ne suis pas sur le point d’oublier cet évènement », c’est bien la tournure près de qui convient, et non prêt à (et encore moins prêt de).
Un « truc » pouvant aider à mieux saisir la nuance et à faire le bon choix est de supprimer de l’équation l’homophonie entre près et prêt en construisant et en comparant les phrases au féminin, pour vérifier laquelle « sonne juste » :
Elle n’est pas près d’oublier cet évènement.
* Elle n’est pas prête d’oublier cet évènement.
* Elle n’est pas prête à oublier cet évènement.
Dans le sens supposé plus haut, les deux exemples précédés d’un astérisque sont incorrects. Toutefois, on pourrait imaginer des contextes avec le verbe oublier où celui-ci revêtirait le sens de « pardonner », sens où une construction avec prêt à deviendrait possible :
Elle n’est pas prête à oublier l’affront qu’il lui a fait.
Cette phrase signifie « elle n’est pas disposée à oublier, elle n’est pas encore dans l’état de pardonner l’affront qu’il lui a fait ».
Les situations sont assez fréquentes dans la vie où l’on est simultanément « disposé à » et « sur le point de » faire quelque chose. Les deux tournures prêt à et près de sont alors utilisables. On choisira en fonction du sens sur lequel on veut insister.
Inversement, quand les deux sens ne coexistent pas, il faudra choisir sa tournure avec soin pour éviter les contresens :
Il était prêt à l’épouser, mais Ève se laissa désirer pendant dix longues années.
Il était près de l’épouser quand la mort d’Ève le délivra de ce mariage forcé appréhendé.
On a mentionné que la distinction de sens entre prêt à et près de vaut pour le français contemporain. Il est en effet important de le souligner, car, en français classique, l’usage était plus flottant et la situation beaucoup plus confuse. Aux xviie et xviiie siècles, les deux sens « disposé à » et « sur le point de » s’écrivaient indifféremment de trois façons : prêt à, prêt de et près de. Parmi les six combinaisons possibles, des tendances se sont dégagées au fil du temps et l’Académie française a même cru bon de publier en 1964 un communiqué prônant explicitement la distribution des rôles entre prêt à et près de. Elle y donnait ces deux exemples à ne pas confondre :
Je suis prêt à partir.
= Je suis disposé à partir.
Je suis près de partir.
= Je suis sur le point de partir.
Les emplois qui s’écartent de cette règle sont aujourd’hui considérés comme vieillis, bien qu’on puisse encore parfois les rencontrer dans un registre littéraire, notamment l’emploi de prêt à au sens de « sur le point de ». Cet emploi peut contribuer à « personnaliser » un objet inanimé, par exemple en écrivant le soleil est prêt à se lever là où on attendrait plutôt le soleil est près de se lever.
En présence de la tournure prêt de suivie d’un verbe à l’infinitif, le correcteur d’Antidote rappellera au rédacteur que cette construction n’est plus standard.
Concluons en signalant l’existence par ailleurs de la tournure prêt pour faire quelque chose, qui s’emploie parfois dans le même sens que prêt à :
Il ne se sent pas prêt pour assumer ce nouveau rôle.