Prêt à… l’emploi
Pour faire suite au dernier Point de langue, qui traitait de la différence entre les tournures prêt à et près de, voici quelques remarques complémentaires sur l’emploi de prêt à suivi de l’infinitif.
Le plus souvent, le nom ou le pronom auquel se rapporte l’adjectif prêt est le « sujet » du verbe à l’infinitif :
Je suis prêt à commencer.
(Le pronom je est le sujet de commencer.)
L’imprimante est prête à fonctionner.
(Le nom imprimante est le sujet de fonctionner.)
Le verbe à l’infinitif peut aussi être à la voix passive :
Le patient est prêt à être examiné.
(Le nom patient est le sujet d’être examiné.)
Les fruits sont prêts à être cueillis.
(Le nom fruits est le sujet d’être servis.)
La brochure est prête à être imprimée.
(Le nom brochure est le sujet d’être imprimée.)
On emploie aussi une construction où le nom ou le pronom est plutôt complément d’objet direct (COD) du verbe à l’infinitif, à la voix active. Ainsi, les trois phrases suivantes sont synonymes des trois précédentes :
Le patient est prêt à examiner.
(Le nom patient est le COD d’examiner.)
Les fruits sont prêts à cueillir.
(Le nom fruits est le COD de cueillir.)
La brochure est prête à imprimer.
(Le nom brochure est le COD d’imprimer.)
Dans ces exemples, le sujet du verbe à l’infinitif n’est pas explicité. Cette construction, plus concise que la construction synonyme précédente, a parfois été critiquée par des puristes qui exigeaient de s’en tenir à la construction avec l’infinitif à la voix passive, mais elle est utilisée depuis au moins le xviie siècle, comme l’attestent les éditions successives du Dictionnaire de l’Académie française. Elle est de nos jours renforcée par la prolifération de noms composés du type prêt-à-porter (voir plus bas). Attention quand même aux possibles ambigüités, comme ce cas authentique de robes prêtes à piquer : comprendre qu’elles sont prêtes à être piquées par des couturières, et non pas prêtes à piquer les dames qui les porteront…
Certains rédacteurs « prêts à tout » s’aventurent même à tourner des phrases où le nom auquel se rapporte prêt n’est ni sujet ni COD, mais plutôt complément adverbial du verbe à l’infinitif, qui peut être un verbe intransitif :
L’appartement est prêt à vivre.
(Le nom appartement est complément de lieu de vivre.)
Une chambre prête à dormir.
(Le nom chambre est complément de lieu de dormir.)
Un billet prêt à partir.
(Le nom billet est un complément de moyen de partir.)
Ce type de construction, plus rare et grammaticalement discutable, est moins recommandable.
Le nom masculin prêt-à-porter est apparu au milieu du xxe siècle, calqué sur l’anglais ready-to-wear. Il désigne des vêtements fabriqués en série et non sur mesure, et qui sont prêts à porter, c’est-à-dire prêts à être portés. Il s’emploie plus spécialement à propos de vêtements de qualité supérieure, en excluant alors les vêtements de confection ordinaire. Les traits d’union marquent le caractère nominalisé et lexicalisé de l’expression. Voici des exemples :
Une boutique de prêt-à-porter.
Du prêt-à-porter féminin.
Elle s’habille en prêt-à-porter.
Au pluriel, ce nom s’écrit prêts-à-porter :
Les prêts-à-porter pour femmes et pour hommes.
Au singulier, prêt-à-porter se prononce « prètaporté ». Pour le pluriel prêts-à-porter, l’usage semble hésiter entre « prètaporté », « prèaporté » et « prèzaporté ».
Ce nom composé est parfois placé en fonction apposition auprès d’un autre nom. L’invariabilité en genre et en nombre est alors préférable :
Des boutiques prêt-à-porter.
En effet, dans cette construction elliptique équivalente à boutiques de prêt-à-porter, les boutiques ne sont pas prêtes à porter (c’est-à-dire prêtes à être portées), mais offrent du prêt-à-porter. C’est pourquoi l’invariabilité semble logique dans ce contexte d’apposition.
On pourra cependant hésiter en présence d’un nom de vêtement. Qu’est-ce qui est correct dans les exemples suivants ?
Des robes prêtes à porter.
Des robes prêt-à-porter.
Des robes prêts-à-porter.
Le premier exemple, des robes prêtes à porter, est légitime si l’on parle de robes qui sont prêtes à être portées, sans égard à leur mode de fabrication. Le mot prêtes y est un adjectif qui s’accorde en nombre et en genre avec robes.
Le deuxième exemple, des robes prêt-à-porter, est légitime si l’on veut insister sur le mode fabrication des robes, le prêt-à-porter, par opposition au sur-mesure, voire à la confection ordinaire. Il s’agit alors du nom prêt-à-porter en apposition, comme dans boutiques prêt-à-porter. On pourrait écrire plus explicitement des robes de prêt-à-porter ou des robes en prêt-à-porter.
Dans le troisième exemple, des robes prêts-à-porter, le nom en apposition prêts-à-porter est accordé en nombre. On se trouve donc à accorder prêts en nombre avec robe, mais non en genre. Cet accord partiel, pour ne pas dire bâtard, n’est pas rare, mais il n’est pas très heureux et devrait être évité.
On pourra suivre les mêmes règles pour les noms composés auxquels prêt-à-porter a servi de modèle. Le dictionnaire d’Antidote recense certains de ces noms qui prolifèrent dans le langage du commerce ou de la publicité et qui désignent des produits vendus sous une forme déjà élaborée et ne nécessitant plus qu’une opération finale : prêt-à-coudre, prêt-à-assembler, prêt-à-monter (traduction de kit), prêt-à-manger (traduction de fast-food), etc.
On parle même, pour se moquer des idées reçues, acceptées telles quelles sans réflexion, du prêt-à-penser. À bien y penser, ne devrait-on pas plutôt parler du prêt-à-ne-pas-penser ?