Petite encyclo du cyclone
Le début de la saison des ouragans s’y prêtant, nous passerons en revue et en coup de vent quelques difficultés et remarques linguistiques tournoyant autour de ce thème.
Terminologie : cyclone, ouragan, typhon, tornade…
Le nom cyclone a pour origine le mot grec kuklos (« cercle » ou « mouvement circulaire »). En météorologie, dans son acception large, le terme désigne toute zone de basse pression atmosphérique, ou dépression. Le cyclone est souvent associé au mauvais temps. Il a pour antonyme le nom anticyclone, qui désigne une zone de haute pression, plutôt synonyme de beau temps. Les deux phénomènes s’opposent aussi par le sens de rotation des vents autour de leur centre : dans l’hémisphère Nord, cette rotation se fait dans le sens antihoraire dans le cas des cyclones et dans le sens horaire dans le cas des anticyclones. Les sens sont inversés dans l’hémisphère Sud.
Dans la langue courante, cependant, le mot cyclone est surtout employé à propos du type de cyclone le plus spectaculaire, que les météorologues appellent plus précisément cyclone tropical. Il se développe dans les zones océaniques tropicales, sous la forme d’un vaste système de nuages orageux accompagnés de vents violents en rotation autour d’un centre de basse pression de faible étendue (l’œil du cyclone). Les cyclones tropicaux peuvent atteindre plusieurs centaines de kilomètres de diamètre et causer des dégâts importants quand ils frappent les iles et le littoral des continents.
Selon le bassin océanique touché, les cyclones tropicaux de forte intensité connaissent d’autres dénominations, dont les plus connues sont ouragan et typhon.
Le terme ouragan désigne les cyclones tropicaux qui se développent dans l’Atlantique Nord et dans la partie orientale du Pacifique Nord, donc de part et d’autre de l’Amérique du Nord. Le mot nous viendrait de l’arawak, langue amérindienne des Antilles.
Le terme typhon est quant à lui utilisé pour les cyclones tropicaux qui se développent dans la partie ouest du Pacifique Nord et qui peuvent atteindre des régions de l’Asie, comme le Japon et les Philippines. Le mot typhon a une histoire complexe faisant intervenir possiblement à la fois le mot grec tuphôn et le mot chinois t’ai fêng, de sens voisins. Dans le cas particulier des typhons qui touchent les Philippines, le terme local baguio est aussi parfois employé en français.
Pour l’océan Indien et les régions océaniques de l’hémisphère Sud, c’est simplement le terme cyclone tropical qui est généralement utilisé.
Un cyclone tropical de moindre intensité, ou qui est dans une phase de moindre intensité de son évolution, est appelé tempête tropicale. Un même système peut donc changer de statut au cours de son existence, par exemple de celui de tempête tropicale à celui d’ouragan, puis être « rétrogradé » en tempête tropicale. La durée de vie de ces systèmes est de l’ordre de quelques jours.
Ne pas confondre ces termes avec tornade, mot qui désigne un phénomène différent, une perturbation atmosphérique violente beaucoup plus localisée (de l’ordre d’une centaine de mètres de diamètre) et plus éphémère (quelques heures au maximum), caractérisée par une colonne d’air tourbillonnant qui prend naissance à la base d’un nuage d’orage et qui descend jusqu’au sol en balayant tout sur son passage. Une région connue pour ses tornades est le Midwest des États-Unis, parfois surnommé « l’allée des tornades ». Les tornades se forment habituellement à l’intérieur des continents, mais un phénomène similaire peut aussi se produire au-dessus de la mer : on parle alors de trombes marines.
Onomastique : baptiser les cyclones
À côté de ces noms génériques, les autorités météorologiques des régions concernées ont pris l’habitude d’employer des noms spécifiques, de véritables noms propres, pour désigner et distinguer chacune des occurrences des tempêtes et cyclones tropicaux qui se succèdent au cours d’une saison.
Les ouragans et tempêtes tropicales de l’Atlantique reçoivent un nom tiré d’une liste préétablie de prénoms anglais, espagnols et français. Ces prénoms sont en alternance masculins et féminins (ils étaient exclusivement féminins avant 1979, ce que d’aucuns et d’aucunes jugeaient sexiste). De plus, la succession chronologique est reflétée dans la nomenclature : le premier système de l’année reçoit un prénom commençant par la lettre A, le second un prénom commençant par B, et ainsi de suite. Ainsi, la présente saison 2018 a été inaugurée par le passage de la tempête tropicale Alberto, suivie des ouragans Beryl et Chris. Il existe six listes différentes de prénoms, chacune étant réutilisée au bout de six ans. Lorsqu’un ouragan a été particulièrement dévastateur, son nom est retiré des futures listes et remplacé par un nouveau.
Dans le cas de la nomenclature adoptée pour les typhons du Pacifique, les listes comprennent aussi des noms d’animaux, de plantes ou d’objets. Au moment d’écrire ces lignes, le Japon se remet tout juste du passage de l’« alouette », signification en coréen du nom du typhon Jongdari.
Règles d’écriture : typographie, accord
Les noms propres de cyclones tropicaux s’écrivent de préférence en italique :
Katrina a dévasté la Louisiane en 2005.
Étant des noms propres, ils prennent naturellement la majuscule :
L’ouragan Katrina a dévasté la Louisiane en 2005.
Même quand le nom d’un ouragan a pour origine un prénom féminin, les mots qui s’y rapportent sont accordés au masculin, comme si le nom ouragan était sous-entendu :
L’ouragan Katrina fut particulièrement dévastateur.
Katrina fut particulièrement dévastateur.
Phraséologie : l’œil du cyclone
On lit ou entend parfois l’expression figurée être dans l’œil du cyclone. Elle est le plus souvent utilisée au sens d’« être pris au milieu d’une situation difficile, agitée ». Cet emploi a peut-être été inspiré par des métaphores météorologiques similaires, comme être au cœur de la tempête, mais c’est un contresens. L’œil du cyclone (ou œil cyclonique), ce « trou » sans nuages situé en son centre (environ 50 km de diamètre), est en fait sa zone la plus calme, avec des vents très modérés. En principe, être dans l’œil du cyclone, c’est plutôt « traverser une accalmie » ou « être dans une situation relativement tranquille alors que tout est chaotique autour de soi ». L’Académie française, qui a publié sur son site une remarque à ce sujet, ne doit plus être « dans le vent », car force est de constater que sa recommandation est peu suivie1. Quoi qu’il en soit, les malentendus que cette locution peut susciter rendent son utilisation délicate.
Pour revenir au sens technique de la locution œil du cyclone, une question lexicale légitime se pose : étant donné que le mot œil peut avoir comme pluriel la forme œils dans certaines acceptions techniques où il désigne un trou, ou encore dans certains noms composés (des œils-de-bœuf), est-ce aussi le cas pour l’œil du cyclone ? Le pluriel œils pourrait en effet se justifier, mais les météorologues, dans les rares occurrences où ils l’emploient au pluriel, semblent préférer le pluriel yeux.
Enfin, ne pas confondre l’œil du cyclone et l’œil du cyclope !
Orthographe
À ce stade-ci de la lecture, on aura déduit qu’il ne faut pas mettre d’accent circonflexe sur le o de cyclone, erreur commise assez fréquemment, peut-être par analogie avec des mots comme cône, icône ou pylône. Une phrase mnémotechnique qui pourrait aider à se débarrasser de l’accent : « Dans un cyclone, les chapeaux tombent. »
Anagramme
Besoin d’une anagramme pour le mot cyclone ? Se reporter au titre et… bon vent !
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Académie française. « Être dans l’œil du cyclone », Dire, ne pas dire, 6 novembre 2014. ↩