Qu’écrire après après que ?
On emploie la locution conjonctive après que pour introduire une proposition subordonnée dont le verbe indique une action antérieure à l’action indiquée par le verbe de la proposition principale. Mais on hésite souvent sur le mode ou le temps auxquels conjuguer le verbe de cette subordonnée. Par exemple, que choisir entre ces phrases ?
Je l’ai payé après qu’il a fini.
Je l’ai payé après qu’il a eu fini.
Je l’ai payé après qu’il eut fini.
Je l’ai payé après qu’il ait fini.
Je l’ai payé après qu’il eût fini.
Ici, le verbe de la proposition principale (payer) est conjugué au passé composé et l’on veut indiquer que l’action du verbe de la subordonnée (finir) est antérieure.
Prescription : indicatif
Selon la règle traditionnelle, la locution conjonctive après que demande que le verbe de la proposition subordonnée soit conjugué au mode indicatif et à un temps qui soit compatible avec celui du verbe de la proposition principale.
Pour commencer avec des exemples simples, conjuguons le verbe de la principale à des temps simples de l’indicatif :
Exemple | verbe de la principale | verbe de la subordonnée | |
---|---|---|---|
Je le payai après qu’il eut fini. | passé simple | passé antérieur | |
Je le payais après qu’il avait fini. | imparfait | plus-que-parfait | |
Je le paie après qu’il a fini. | présent | passé composé | |
Je le paierai après qu’il aura fini. | futur simple | futur antérieur | |
Je le paierais après qu’il aurait fini. | conditionnel présent | conditionnel passé |
Dans chaque cas on donne pour la subordonnée le temps composé habituellement utilisé pour exprimer une action antérieure à celle du temps simple du verbe de la principale.
Revenons à la question initiale, où le verbe de la principale est lui-même à un temps composé, soit le passé composé. On peut, dans ce cas, utiliser le passé surcomposé, qui est en quelque sorte le « passé composé du passé composé », l’auxiliaire avoir étant lui-même au passé composé (a eu) :
Je l’ai payé après qu’il a eu fini.
Pour une action située dans le futur, on pourrait de la même façon utiliser le futur antérieur surcomposé après une principale qui est elle-même au futur antérieur :
Je l’aurai payé après qu’il aura eu fini.
Mais les temps surcomposés sont souvent sentis comme lourds ou d’un registre plutôt oral. À l’écrit, avec une principale au passé composé, on utilise fréquemment le passé antérieur, même si ce temps joue déjà le même rôle après le passé simple (voir le tableau ci-dessus et le deuxième exemple ci-dessous) :
Je l’ai payé après qu’il eut fini.
Je le payai après qu’il eut fini.
Dans la langue orale et dans la langue écrite de tous les jours, le passé simple aussi bien que son équivalent composé, le passé antérieur, ne sont pratiquement plus employés, et il n’est pas rare que le passé composé soit utilisé à la fois dans la principale et dans sa subordonnée :
Je l’ai payé après qu’il a fini.
Cette identité de temps verbal entre la principale et la subordonnée brouille en théorie le rapport temporel entre les deux actions, mais la conjonction temporelle après que est jugée de toute façon suffisamment claire en elle-même pour lever tout doute sur la séquence des évènements qu’elle met en relation. La même construction est illustrée parmi d’autres par l’Académie française1 :
Il est parti après que nous l’avons tous salué.
Permission : subjonctif
En plus de — ou à cause de ? — ces complications, on observe dans le français contemporain, surtout depuis le milieu du xxe siècle, une forte tendance à construire après que avec un verbe employé non pas au mode indicatif, mais au subjonctif.
Ainsi, au subjonctif passé :
Je l’ai payé après qu’il ait fini.
Ou au subjonctif plus-que-parfait (surtout à la troisième personne du singulier) :
Je l’ai payé après qu’il eût fini.
On peut se demander si ce dernier cas ne résulte pas d’une confusion entre les deux formes verbales eut fini (passé antérieur : j’eus fini, tu eus fini, il eut fini, etc.) et eût fini (subjonctif plus-que-parfait : que j’eusse fini, que tu eusses fini, qu’il eût fini, etc.). Elles sont identiques à l’oreille et seul l’accent circonflexe les distingue à l’écrit. La relative rareté de l’emploi de ce subjonctif imparfait aux autres personnes s’explique sans doute par le fait que les formes correspondantes sont souvent jugées lourdes ou inélégantes.
Une raison souvent donnée pour tenter d’expliquer la faveur dont jouit le subjonctif avec après que est que les locuteurs établiraient une analogie de construction entre cette locution et la locution symétrique avant que, qui, elle, a toujours été construite avec le subjonctif :
Je l’ai payé avant qu’il ait fini.
Je l’ai payé après qu’il ait fini.
Cette uniformisation du mode autorise d’ailleurs des coordinations de ce type :
Je l’ai payé avant et après qu’il ait fini.
Ces deux locutions conjonctives partagent d’ailleurs d’autres propriétés syntaxiques comme l’existence d’une préposition correspondante pouvant introduire un infinitif (avant/après avoir fini) ou la possibilité d’être modifiées par un adverbe de degré (bien avant/après que).
La règle traditionnelle qui exige deux modes différents pour ces deux locutions est habituellement justifiée par la distribution des rôles entre l’indicatif et le subjonctif. En simplifiant beaucoup (les contrexemples sont nombreux), l’indicatif est le mode de l’action considérée objectivement, constatée ou certaine, et le subjonctif est celui de l’action envisagée dans la pensée et qui peut être une simple éventualité. Avec avant que, le subjonctif conviendrait naturellement pour l’action postérieure et non encore réalisée. Avec après que, l’indicatif conviendrait puisque l’action antérieure est déjà réalisée.
De ce point de vue, le subjonctif avec après que choque peut-être moins si les deux actions se situent dans le futur :
Je le paierai après qu’il ait fini.
Une autre hypothèse avancée pour expliquer l’attrait du subjonctif serait sa connotation plus élégante ou distinguée que l’indicatif.
Quoi qu’il en soit, même si l’emploi du subjonctif avec après que a fait depuis le siècle dernier l’objet de critiques de grammairiens et de mises en garde de l’Académie française, force est de constater qu’il s’est malgré tout largement répandu, que ce soit à l’oral, dans la presse écrite ou chez les gens de lettres (y compris des « immortels » de l’Académie).
Même si le mode indicatif demeure recommandable, le subjonctif peut difficilement aujourd’hui être considéré comme une faute.
Pour sa part, le correcteur d’Antidote prend acte de la tendance lourde et ne juge pas fautif l’emploi du subjonctif, mais il signale quand même par une alerte que cet emploi demeure parfois critiqué. Après qu’on aura/ait lu ladite alerte, on pourra préférer ou non s’en tenir à l’indicatif.
Un moyen de contourner la difficulté, quand le sujet de la proposition principale est le même que celui de la subordonnée (il est parti après qu’il a eu fini), est de remplacer la locution conjonctive après que par la simple préposition après suivie du verbe employé à l’infinitif passé :
Il est parti après avoir fini.
Autre stratagème : le recours à une construction nominale :
Il est parti après… la fin.
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Voir sur le site de l’Académie le billet « Après que ». ↩