Pour votre information
Le correcteur d’Antidote me signale que l’expression pour votre information est parfois critiquée. Qu’en est-il au juste ?
C’est une expression qu’on rencontre notamment, mais pas seulement, dans la langue administrative, dans des phrases de ce type :
Pour votre information, la réunion de demain est annulée.
Souvent placée en tête de phrase, elle est employée pour apporter un fait à la connaissance du destinataire. Elle est aussi utilisée, dans un contexte familier, avec la deuxième personne du singulier :
Pour ton information, la réunion de demain est annulée.
Cette locution est critiquée par de nombreux ouvrages, essentiellement québécois, sous prétexte qu’il s’agirait d’un calque de l’expression anglaise for your information (souvent réduite au sigle FYI). Il est vrai que cette expression anglaise est fort répandue et que les équivalents français ne manquent pas. Voici ceux qui sont habituellement proposés :
à titre d’information
à titre de renseignement
à titre informatif
à titre indicatif
à titre documentaire
pour information
pour info (registre familier)
On voit que ce qui est reproché au calque ne semble pas être le mot information, puisqu’il figure tel quel dans deux de ces équivalents :
à titre d’information
pour information
Si pour votre information est critiqué, contrairement à pour information, est-ce donc la présence du possessif votre qui est le problème ? En tout cas, l’Académie française ne semble pas s’en formaliser, puisque, dans la plus récente édition de son Dictionnaire, au mot information, elle donne successivement ces deux exemples sous le premier sens (« action d’informer ou de s’informer ») :
Une note distribuée pour information.
Je vous signale ce fait pour votre information.
Le deuxième exemple académique contient bien le possessif votre ; il y semble redondant avec le pronom vous, et l’on pourrait sans doute alléger en supprimant l’un ou l’autre :
Je vous signale ce fait pour information.
Je signale ce fait pour votre information.
Quoi qu’il en soit de cette redondance, les Immortels eux-mêmes utilisent l’expression pour votre information depuis un bon moment. La citation qui suit est de Charles de Montalembert (1810-1870), tirée des Discours de M. le comte de Montalembert, l’un des Quarante de l’Académie française, tome troisième, 1848-1852 :
Nous avons besoin de le déclarer bien haut, moins sans doute pour votre information que pour celle des candidats nombreux qui nous demandent déjà des recommandations.
On peut dénicher l’expression pour votre information dans d’autres dictionnaires. Par exemple, dans le Trésor de la langue française informatisé (TLFi), on ne la trouve pas sous l’entrée information, mais sous l’entrée gouverne, au sujet de la locution pour votre gouverne. Après en avoir donné le sens premier (« pour vous apprendre à vous conduire dans telle ou telle circonstance »), le TLFi ajoute un deuxième sens :
P. affaiblissement. Synon. de pour votre information.
Le Dictionnaire Hachette, édition 2012, contient une définition similaire sous gouverne :
LOC. litt. Pour ta gouverne : pour ton information.
Le dictionnaire québécois FRANQUS (version d’essai), sous l’entrée information, critique l’expression pour votre information comme anglicisme, mais écrit par ailleurs sous gouverne :
Pour votre gouverne : pour vous apprendre à vous conduire ; pour votre information.
L’expression pour votre information est donc attestée dans plusieurs dictionnaires français. Dans les textes, elle est attestée depuis au moins le début du xixe siècle, à peu près contemporaine des locutions similaires pour votre gouverne et pour votre édification.
Les reproches que ses critiques lui adressent seraient-ils alors circonscrits à certains contextes particuliers ? Voici quelques exemples de phrases incriminées :
Pour votre information, nous vous avons envoyé tel document.
Je vous ferai parvenir ce document pour votre information.
Pour votre information, j’ai inscrit mes coordonnées sur le document ci-joint.
Dans ces phrases, on peut analyser pour votre information comme un complément de but du verbe : « Dans le but de vous informer, nous vous avons envoyé… » Elle s’utilise notamment avec des verbes d’énonciation ou de communication (déclarer, mentionner, transmettre, envoyer, faire parvenir).
Mais elle est parfois utilisée de façon plus discutable. Prenons ces exemples :
Pour votre information, la réunion de demain a été annulée.
Pour votre information, notre journal cessera bientôt ses activités.
Pour votre information, il pleut toujours.
Pour ton information, les baleines sont des mammifères, et non des poissons.
Dans ces cas, la locution pour votre information ne peut clairement pas s’analyser comme complément de but du verbe. Une telle analyse pourrait même mener à une absurdité : « C’est dans le but de vous informer que notre journal cessera bientôt ses activités. » De la même façon, ce n’est assurément pas dans le but de nous informer que la réunion a été annulée, qu’il pleut toujours ou que les baleines sont des mammifères.
Il faut plutôt comprendre, dans ces exemples, que le verbe d’énonciation est sous-entendu (ellipse), ce qui introduit une apparente rupture syntaxique (anacoluthe). Ce genre d’ellipse est un phénomène d’économie linguistique qui n’a rien d’exceptionnel, notamment dans la langue parlée. L’expression pour votre information s’apparente alors à un « introducteur » ou à un élément incident qui se rapporte à l’ensemble de la phrase. Le contexte est généralement suffisamment clair. Mais certains lecteurs seront peut-être gênés par la rupture syntaxique. Si l’on tient à l’éviter, on raccrochera la locution, en fonction complément, à un verbe d’énonciation explicite :
Pour votre information, nous signalons que la réunion de demain est annulée.
Pour votre information, nous annonçons que notre journal cessera bientôt ses activités.
Pour votre information, je signale qu’il pleut toujours.
Je précise pour ton information que les baleines sont des mammifères, et non des poissons.
Le prix de cet ajout est une certaine lourdeur ou redondance sémantique. On pourrait résoudre le dilemme en se passant carrément de la locution, en reformulant et en allégeant :
Nous vous informons que la réunion de demain a été annulée.
Nous vous informons que notre journal cessera bientôt ses activités. Je vous signale qu’il pleut toujours.
Je te précise que les baleines sont des mammifères, et non des poissons.
Bref, même si ce n’est pas un pur anglicisme, c’est avec circonspection qu’on emploiera la locution pour votre information. Elle est parfois utilisée avec un degré d’autonomie encore supérieur à la rupture syntaxique : non seulement elle n’est plus explicitement rattachée à un verbe, mais elle n’est rattachée à aucune phrase, c’est-à-dire qu’elle est utilisée seule, comme titre. Par exemple, elle coiffera une note de service, une lettre ou un courriel. Cet usage n’est pas à encourager : un titre plus efficace et « informatif » décrirait l’objet du texte plutôt que de simplement en mentionner le caractère informatif.
Et le titre du présent article, alors ? Il ne contredit ce dernier principe qu’en apparence, comme le démontre son italique autonymique…