Points de langue - 3 mai 2021 - 6 min

Pour une température optimale

Non, il ne sera pas ici question d’air conditionné ou climatisé, mais plutôt de météo. Ce mois de mai que la chanson nous assure « joli » sera l’occasion de passer en revue quelques difficultés linguistiques qu’on peut rencontrer quand il s’agit de parler de température atmosphérique. Appliquer ces recommandations ne garantira peut-être pas une température optimale, mais optimalement communiquée.

temps et température

Commençons par rappeler la différence entre temps et température.

Dans son sens météorologique, le mot temps désigne l’ensemble des conditions atmosphériques (température, humidité, nébulosité, précipitations, conditions de vent, etc.) :

un temps chaud, froid, torride, frisquet, glacial
un temps nuageux, gris, ensoleillé
un temps pluvieux, sec
un temps venteux, calme
le temps qu’il fait

Le temps est considéré du point de vue des activités humaines et le mot est souvent accompagné d’adjectifs qualificatifs subjectifs :

du beau temps
le mauvais temps
il a fait un temps superbe, maussade, exécrable

Un synonyme courant de temps est météo :

On a eu une météo exécrable toute la semaine.

Météo s’emploie aussi en apposition d’un autre nom. Il est alors invariable en genre et en nombre :

les conditions météo
les prévisions météo

Le mot température désigne quant à lui une grandeur mesurable qui est définie de différentes manières en physique et qui correspond en météorologie à la plus ou moins grande « chaleur » de l’atmosphère. La température n’est donc qu’un seul des éléments du temps qu’il fait. Le mot température est habituellement utilisé dans des expressions quantitatives :

température de vingt degrés
température basse, élevée
échelle de température
maximum de température
mesurer la température

Mais il peut aussi être employé avec des mots exprimant une sensation subjective de chaleur :

température douce, agréable, confortable
température glaciale, frisquette, torride

Au Québec, le mot est parfois employé dans des expressions où on attendrait plutôt le mot temps ou météo :

La sortie a été annulée en raison de la température pluvieuse.
On a eu de la température grise toute la semaine.

Des expressions comme température pluvieuse ou température grise sont plutôt maladroites, car la température n’est pas une grandeur directement liée aux précipitations ou à la nébulosité. Ces emplois sont à éviter dans un registre soigné.

Quand température rime avec mercure

Par métonymie, on rend souvent compte de la température en évoquant son instrument de mesure :

Le thermomètre indique 16 degrés.

Dans un modèle courant de thermomètre, la température est indiquée par la hauteur d’une colonne de mercure qui, sous l’effet de la chaleur, se dilate dans un fin tube de verre, ce qui a inspiré un nouvel emploi métonymique :

Le mercure indique 16 degrés.
Le mercure atteint 16 degrés.

Comme ces bulletins météo ne sont pas des oracles du messager des dieux, Mercure, on se gardera bien de mettre une majuscule à mercure dans ces emplois.

On recourt souvent au mouvement du mercure dans son tube pour exprimer les fluctuations de la température, comme en atteste le dictionnaire des cooccurrences d’Antidote :

le mercure monte, grimpe
le mercure descend, baisse, chute
le mercure oscille

Un autre modèle courant de thermomètre utilise dans son tube non pas du mercure, mais plutôt de l’alcool (par exemple de l’éthanol). Mais, peut-être en raison de certaines connotations du mot alcool, ce thermomètre ne semble pas avoir inspiré des expressions qu’on aurait pu imaginer : l’alcool oscille, chute…

Quand température rime avec mesure

Au fil de l’histoire, différentes échelles et unités ont été créées pour mesurer la température. Voici les trois unités les plus couramment employées aujourd’hui.

degré Celsius

L’unité la plus usuelle en météorologie est le degré Celsius (symbole : °C), du nom du physicien suédois Anders Celsius (1701-1744). L’échelle Celsius est graduée de façon que cent degrés séparent le point de congélation de l’eau (0 °C) et son point d’ébullition (100 °C). Cette caractéristique lui a aussi valu les appellations degré centigrade et degré centésimal, mais le nom degré Celsius leur a été officiellement préféré en 1948. Attention à l’erreur fréquente consistant à écrire Celcius au lieu de Celsius !

degré Fahrenheit

Le degré Fahrenheit (symbole : °F) demeure d’usage courant dans certains pays anglo-saxons. L’échelle Fahrenheit fixe les points de congélation et d’ébullition de l’eau respectivement à 32 °F et 212 °F et croise l’échelle Celsius à −40 degrés (−40 °F = −40 °C). On doit cette échelle à l’inventeur du thermomètre à mercure et contemporain de Celsius, le physicien allemand Daniel Gabriel Fahrenheit (1686-1736). L’orthographe du nom Fahrenheit est souvent maltraitée elle aussi : attention à la position des deux lettres h !

Comme le pluriel degrés Celsius ne le montre pas, dans les unités formées du nom degré suivi d’un nom propre, seul le mot degré prend la marque du pluriel : 50 degrés Fahrenheit.

kelvin

Bien qu’elle soit rarement utilisée en météorologie, ajoutons que, dans le système international d’unités (SI), l’unité de base de température est le kelvin (symbole : K). Le nom kelvin, qui rime avec divine et non avec divin, nous vient d’un autre physicien, britannique celui-là : William Thomson, lord Kelvin (1824-1907). On a mentionné dans une précédente chronique sur l’écriture des noms d’unités de mesure dérivés de noms propres que cette unité avait autrefois pour nom et symbole degré Kelvin et °K, mais qu’ils ont été respectivement remplacés en 1967 par kelvin (qui prend un s au pluriel) et K.

Un intervalle d’un kelvin est identique à un intervalle d’un degré Celsius (qui est considéré à ce titre comme une « unité dérivée du SI »), et une relation simple unit les deux échelles : il suffit d’ajouter 273,15 à une température exprimée en degrés Celsius pour obtenir sa valeur en kelvins. La température de 0 kelvin est le « zéro absolu », la température la plus basse qui puisse exister selon les lois de la physique. Une température exprimée en kelvins avec une valeur négative ne se rencontrerait donc qu’en science-fiction…

Parlons de température

Voici une première façon correcte d’énoncer une température :

La température est de trente degrés Celsius.

Mais c’est là une formulation plutôt lourde. Quand le contexte ne présente pas d’ambigüité sur l’échelle utilisée, on utilise le mot degré seul :

La température est de trente degrés.

De plus, la langue météorologique utilise souvent des constructions avec le pronom il impersonnel (il pleut, il vente, il fait beau, etc.). Pour exprimer la température, c’est la construction il fait… qui est la forme usuelle en français :

Il fait trente degrés.

Voici par ailleurs des constructions fautives :

*La température mesure trente degrés.
*Il mesure trente degrés.
*Il est trente degrés.
*C’est trente degrés.

La tournure il fait… suivie d’un nombre est si étroitement associée à la température qu’on se passe même parfois du nom degré :

Il fait trente à l’ombre.
Il fait trente.

Ces formulations elliptiques, qui relèvent plutôt du registre oral, sont à éviter dans un texte soigné.

Règles d’écriture

Les exemples de cette section qui sont précédés d’un astérisque sont fautifs.

Lorsque c’est le nom de l’unité qui est utilisé plutôt que son symbole, le nombre qui précède peut être exprimé en lettres ou en chiffres :

trente degrés Celsius.
trente degrés
30 degrés Celsius
30 degrés

En revanche, l’utilisation des symboles commande celle des chiffres. Le symbole est séparé du chiffre par une espace insécable :

il fait 30 °C
*il fait 30° C
*il fait 30°C
*il fait trente °C

Dans les contextes où il n’y a pas risque de confusion, les symboles °C et °F sont parfois remplacés par le simple symbole du degré (°), le même que pour le degré, unité de mesure d’angle. Comme pour celui-ci, la règle est alors d’accoler le symbole de degré au nombre qui précède, sans espace :

il fait 30°
*il fait 30 °

Ne pas confondre le symbole de degré avec la lettre o en exposant, qui est le signe à utiliser dans les énumérations comme 1o, 2o, 3o… (abréviations des mots primo, secundo, tertio…).

Valeurs négatives

Pour parler d’une valeur négative, on la fait précéder du mot moins si le nombre est écrit en lettres :

il fait moins trente degrés Celsius
il fait moins trente degrés
il fait moins trente
*il fait moins 30

Si le nombre est écrit en chiffres, on le fait immédiatement précéder du signe moins (– code Unicode U+2212), sans espace entre les deux :

il fait –30 °C
il fait –30°
*il fait – trente degrés

Pour parler de températures négatives, le français emploie aussi diverses tournures construites avec des prépositions (ou des locutions prépositionnelles) suivies de zéro. Ainsi, tous les exemples suivants sont synonymes de moins trente degrés :

trente degrés au-dessous de zéro
trente degrés en dessous de zéro
trente degrés sous zéro
trente degrés en bas de zéro

Les trois dernières tournures ont parfois été critiquées, mais elles sont d’un emploi ancien et répandu dans la francophonie, sauf la dernière, en bas de zéro, qui semble être circonscrite au Québec, où elle est sentie comme étant d’un registre plutôt familier.

Attention à l’emploi du trait d’union, présent dans au-dessous de, mais absent dans en dessous de.

Pour exprimer des températures positives, l’emploi d’une tournure équivalente comme trente degrés au-dessus de zéro est possible en principe, mais on en sent rarement la nécessité, le contexte étant habituellement suffisamment clair. De la même façon, l’adverbe plus ou le signe + (comme dans plus trente degrés ou +30°) sont généralement jugés superflus.

Valeurs non entières

Contrairement au degré employé comme unité d’angle, l’unité degré de température ne se divise jamais en « minutes » sexagésimales. Par exemple, une température située entre un degré et deux degrés sera exprimée sous forme décimale avec une virgule pour séparer la partie fractionnaire :

1,5 degré
*1 degré 30 minutes

Comme expliqué dans un précédent Point de langue, contrairement à l’usage anglais, une unité de mesure employée avec 1,5 ou 0,5 ou 0 ne prend pas la marque du pluriel :

*1,5 degrés
*0,5 degrés
*0 degrés

L’expression 1,5 degré se prononce de préférence « un degré cinq » plutôt que « un degré virgule cinq » ou « un virgule cinq degré ».

maximum, maximums, maxima, maximal

Pour parler des valeurs extrêmes de température, on recourt souvent aux mots maximum et minimum. On parle aussi d’optimum pour une température idéale. Ces trois mots d’origine latine, employés comme noms ou adjectifs, présentent des difficultés similaires quand il s’agit de les utiliser au féminin ou au pluriel. Ces difficultés ont été décrites dans une précédente chronique où l’on trouvera tous les détails. Retenons ici que les exemples ci-dessous sont tous des formulations correctes, et que la dernière de chaque série est à préférer :

Ce graphique montre les maxima mensuels de température.
Ce graphique montre les maximums mensuels de température.

Voici les températures maxima prévues.
Voici les températures maximums prévues.
Voici les températures maximales prévues.

Multiples et sous-multiples du degré

Exprimées en degrés, les valeurs de température qu’on rencontre en météorologie sont d’un ordre de grandeur qui permet de se passer d’unités multiples ou sous-multiples formées par l’ajout de préfixes prévus par le SI, comme hecto- ou kilo- (qui sont par ailleurs couramment combinés avec l’unité pascal pour décrire la pression atmosphérique en hectopascals ou kilopascals). Si l’on peut rencontrer des formes comme hectodegré ou kilodegré, ce sera dans des domaines de température qui sortent du domaine météorologique… du moins, si le réchauffement planétaire annoncé ne s’emballe outre mesure.

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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