Des tirets plus ou moins étirés
En typographie française, y a-t-il une différence d’emploi entre le tiret cadratin et le tiret demi-cadratin ?
Rappelons d’abord certains points.
La plupart des polices de caractères disposent d’au moins trois signes d’aspect voisin, mais de longueur différente :
Signe | Nom | |
---|---|---|
- | trait d’union | |
– | tiret demi-cadratin (code Unicode U+2013, en anglais en dash) | |
— | tiret cadratin (code Unicode U+2014, en anglais em dash) |
Le trait d’union est un signe établissant une unité lexicale ou grammaticale entre les éléments qui l’encadrent :
un cerf-volant
la période 1918-1940
la finale Italie-Brésil
Le tiret, quant à lui, qu’il soit d’un cadratin ou d’un demi-cadratin, est un signe de ponctuation qui peut jouer différents rôles, dont voici les principaux.
Dans une phrase, une paire de tirets peut encadrer une incise, un élément (mot, proposition, etc.) qui interrompt la continuité de la phrase.
Cet alpiniste célèbre est mort — ironie du sort ! — dans un accident de plongée sous-marine.
Dans un dialogue, le tiret indique le changement d’interlocuteur :
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Je cherche mon crayon.
— Celui que tu as sur l’oreille ?
— Eurêka !
Dans une énumération, il peut servir de signe introduisant chaque élément :
Une couleur se caractérise par trois paramètres :
— la teinte ;
— la luminosité ;
— la saturation.
Dans un tableau, le tiret est employé par certains comme caractère indiquant une répétition, alors que d’autres l’emploient comme caractère indiquant la nullité. Cette absence de consensus peut amener des malentendus dans l’interprétation du tiret. Il est donc sage de l’éviter dans ce contexte et de le remplacer par un signe moins ambigu (par exemple l’expression idem ou id. pour exprimer une répétition ; un zéro ou une case vide pour exprimer la nullité).
Pour plus de détails sur les emplois du tiret, l’on pourra se reporter à la grammaire d’Antidote.
Quant à la question initiale de la longueur du tiret (cadratin ou demi-cadratin), le principe général en typographie française traditionnelle est de s’en tenir au tiret cadratin pour tous les emplois du tiret. En principe, le tiret demi-cadratin n’est toléré que dans des justifications étroites. Il peut aussi être légitimement utilisé comme « trait d’union faible » dans des associations d’éléments dont au moins l’un est un mot qui contient déjà un trait d’union normal :
l’itinéraire Aix-en-Provence–Saint-Tropez
le match Saint-Étienne–Clermont-Ferrand
Dans ce cas, on peut aussi employer un trait d’union encadré de deux espaces (fines, de préférence) :
l’itinéraire Aix-en-Provence - Saint-Tropez
le match Saint-Étienne - Clermont-Ferrand
Cela dit, force est de constater que, dans la pratique, depuis quelques décennies, le tiret demi-cadratin tend à se répandre de plus en plus dans les emplois traditionnellement réservés au tiret cadratin, au point où l’on peut difficilement considérer le tiret demi-cadratin comme fautif.
À mi-chemin entre la position des « cadratinistes » puristes et celle des « demi-cadratinistes » à tous crins, certains typographes distribuent les rôles traditionnels du tiret entre les deux types. Par exemple, ils utiliseront le tiret cadratin pour les dialogues, mais le tiret demi-cadratin pour les incises. Il est préférable de s’en tenir à une seule longueur de tiret. C’est le tiret cadratin que nous recommandons.