Histoires de mots - 7 janvier 2019 - 2 min

Avant-ski

Les premiers flocons de neige font naitre l’envie irrépressible de se lancer sur les pentes et de gouter aux plaisirs de l’après-ski. Pour aiguiser votre appétit, nous vous proposons de gouter aux plaisirs de l’avant-ski, c’est-à-dire de l’origine du nom ski et, par la même occasion, des noms de deux techniques de ski, christiania et télémark. Nous vous invitons à suivre le slalom étymologique de ces trois mots, qui nous mèneront jusque dans les montagnes de la Norvège.

ski

Bien que les pays nordiques européens utilisent depuis la préhistoire des accessoires analogues aux skis, ceux-ci ne commencent à se rapprocher de leur forme moderne que vers la fin du XIXe siècle. La Norvège étant le berceau du ski moderne, il est naturel que le nom ski soit aussi d’origine norvégienne. En tant que sport, le ski se répand en Europe au tournant du XXe siècle, d’abord dans les pays montagneux et neigeux (Suisse, Autriche). Son appellation suit un parcours similaire. Diverses variantes se développent, dont le ski de randonnée (ou de fond) et le ski alpin, issu de la technique dite christiania.

Emprunté un peu avant le milieu du XIXe siècle, le mot apparait en français d’abord sous la forme féminine skie. La forme masculine actuelle ski est attestée depuis les années 1870. Son concurrent patin (à neige) disparait à la fin du XIXe siècle. Le nom norvégien ski remonte au norois skídh et, plus loin, au germanique skīdan, signifiant tous deux ‘bois refendu’. En reculant jusqu’à l’indo-européen, l’ancêtre du germanique et du latin, on découvre même un lien insoupçonné avec le latin scindere ‘fendre’, à l’origine du français scinder.

En norvégien, ski n’a pas la prononciation à laquelle s’attendrait un francophone, puisqu’il se prononce [chi], comme dans chiffon. Le français a, comme l’anglais, adopté la graphie norvégienne, en prononçant « erronément » [ski]. D’autres langues, comme l’italien, ont par contre choisi de le prononcer « correctement », mais en respectant leurs règles orthographiques pour transcrire la prononciation (sci).

christiania

Le christiania est une technique de virage ou d’arrêt consistant en un brusque changement de direction des skis, de façon à ce qu’ils soient placés perpendiculairement au déplacement, tout en restant parallèles l’un à l’autre ; il est à l’origine du virage du ski alpin moderne. Son inventeur, le skieur Sondre Norheim, remporta la première compétition de ski en 1868 à Christiania (aujourd’hui Oslo), d’où le nom de cette technique. Oslo avait pris le nom du roi du Danemark et de la Norvège, Christian IV, lorsqu’il la fit reconstruire après un incendie en 1624 ; le nom original de la ville lui fut restitué en 1925.

Utilisé dans la chrétienté à partir de l’empereur Constantin, le prénom Christian (ou Kristian) a été porté par plusieurs rois scandinaves depuis le début du XIe siècle. Il a été emprunté au latin chrétien christianus ‘qui suit la doctrine du Christ’ (qui a donné aussi chrétien), un adjectif formé par l’ajout du suffixe -⁠anus ‘relatif à’ au nom Christus ‘le Christ’. Celui-ci avait été emprunté au grec chrétien Khristos, qui, en tant que participe passé du verbe khriein ‘oindre’, signifiait ‘qui a été oint’ en grec ancien. Le titre de Khristos, attribué à Jésus, est en fait un calque de l’hébreu māshīaḥ ‘oint’, désignant le Messie (et qui a d’ailleurs donné messie en français).

télémark

Le télémark est une technique de virage effectué en fléchissant la jambe intérieure. Contrairement à la quasi-totalité des mots français commençant par télé-, dont téléski ‘remonte-pente’, le nom télémark n’a pas été formé à partir du préfixe grec télé- ‘au loin’. Il constitue plutôt la transcription française du comté de Telemark, situé dans le sud de la Norvège, où vivait son inventeur, le skieur Sondre Norheim, qui remporta la première compétition de ski en 1868 à Christiania (aujourd’hui Oslo).

Le nom du comté, qui se disait Thelamǫrk en norois, se décompose en Thelir, nom d’une tribu viking, et mǫrk ‘territoire en bordure’, qu’on reconnait aussi dans le toponyme Danemark. En remontant la filière germanique, puis en redescendant la branche francique, on aboutit également au français marche dans le sens de ‘région frontalière’ (aux marches de l’Espagne). Le verbe marcher a la même origine, puisque son étymon partage avec celui de marche le sens de ‘marque’, qui s’est spécialisé, d’une part, en ‘marque signalant une frontière’ (marche) et, d’autre part, en ‘marque faite avec le pied’ (marcher).

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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