Pousser des ha ou des ah ?
Le point d’interrogation du mois est plutôt un point d’exclamation. Le rédacteur d’un dialogue nous soumet son dilemme :
— Ha si ! éclata de rire Sara en imitant la mine interloquée
d’Émilie.
— Ah si ! éclata de rire Sara en imitant la mine interloquée
d’Émilie.
Selon Antidote, ha aurait le même rôle que ah en plus restrictif. Quant au Larousse, il nous explique que ha n’est utilisé que pour le rire et peut être remplacé par ah, qui est beaucoup plus large. Ailleurs, on nous dit que ha exprime la surprise et la douleur (comme le déclare Antidote), mais aussi le soulagement. Dans quel cas écrit-on ha ou ah ? Que faut-il écrire dans cet exemple ?
Il n’y a pas de stricte distribution des rôles entre les interjections ha ! et ah !, qui, en pratique, sont employées de façon interchangeable. Si l’on compare dans divers dictionnaires les entrées consacrées à ces deux mots, on constatera en effet de nombreux chevauchements.
Remarquons quand même que la graphie ha, qui débute par un h qu’on peut prononcer en expirant (phonème [h]), est tout indiquée pour représenter une exclamation vive, un éclat de rire, un cri, un soulagement ou toute émotion habituellement accompagnée d’une plus ou moins forte expiration.
Par ailleurs, la forme ah, dont le h est toujours muet (il était peut-être à l’origine un signe d’allongement de la voyelle), est généralement préférée quand l’exclamation est immédiatement suivie d’une autre interjection, d’un adverbe exclamatif, d’un mot court, d’une brève locution :
Ah bon !
Ah non !
Ah zut !
Ah ça alors !
Cela peut s’expliquer par le fait que, dans ces expressions qui sont prononcées d’un trait, l’accent d’intensité n’est plus sur l’interjection, mais sur le mot qui suit. On voit d’ailleurs que le point d’exclamation qui suit habituellement l’interjection est déplacé à la fin de l’expression.
Le dialogue cité dans la question de départ présente simultanément deux caractéristiques : on y fait explicitement référence à un éclat de rire, ce qui favoriserait plutôt la graphie ha, mais l’interjection est insérée dans une expression exclamative où elle est suivie de l’adverbe si, ce qui militerait plutôt pour la graphie ah. On pourra choisir en fonction de l’aspect sur lequel on veut insister.
Pour revenir à la forme ha, ajoutons que les interjections commençant par la lettre h sont les seuls mots français (si l’on exclut de rares emprunts comme dead-heat) où cette lettre peut se faire entendre : le phonème expiré [h] est alors similaire à celui représenté par la même lettre en anglais, dans des mots comme hand ou happy. Et encore, répétons que cette prononciation expirée des interjections est facultative, et même plutôt minoritaire (les dictionnaires omettent souvent de la mentionner).
Les interjections et onomatopées sont un domaine peu normalisé du lexique. Profitons de cette liberté !