Pâtisseries chouettes
Le retour au travail ou à l’école est rarement un moment agréable. Pour vous consoler, nous vous offrons ce mois-ci trois délicieuses pâtisseries : le chou à la crème, l’éclair et le paris-brest. Elles ont comme point commun d’être confectionnées avec de la pâte à choux. On verra que les sens d’origine des mots qui les désignent sont bien éloignés du domaine de la pâtisserie, puisqu’ils réfèrent respectivement à un légume, à une décharge électrique et à une course de vélo. Après avoir lu ce qui suit, vous voudrez sans doute oublier momentanément leur étymologie quand vous les dégusterez lors de votre pause collation.
chou
Dans le sens de ‘plante dense de forme arrondie à larges feuilles comestibles’, chou est un descendant direct de la forme accusative caulem du latin classique caulis, de même sens (et identifiable dans l’anglais cauliflower ‘chou-fleur’ et kale ‘chou frisé’). Ce sens constitue une spécialisation de celui de ‘tige de plante’, transmis lors de son emprunt au grec kaulos et présent dans certains mots savants tels que caulicoles ‘motif de tiges s’enroulant en volutes’ et caulinaire ‘situé sur la tige’. Pour aboutir à la forme moderne chou, le latin caulem a subi plusieurs changements phonétiques : premièrement, la chute du m final donnant caule, au Ier siècle ; deuxièmement, la réduction de au à o donnant cole, au IIIe siècle ; enfin, de façon plus ou moins simultanée, la chute du e, la palatalisation du c initial en ch et la vocalisation de l en u donnant chou, au VIIe siècle.
Deux autres sens de chou ont été obtenus par analogie avec la forme arrondie de la plante. D’abord, au XVIe siècle, chou prend le sens de ‘pâtisserie soufflée et légère, de forme arrondie’. Cette pâtisserie, autrefois appelée petit-chou, est devenue aujourd’hui le chou à la crème. De plus, à la fin du XVIIe siècle apparait le sens ‘nœud de ruban de forme arrondie’. Le rapport entre l’acception affectueuse (mon chou, apparue au milieu du XVIIIe siècle) et la plante est par contre beaucoup moins certain. En fait, il semble plus plausible de le faire remonter à l’onomatopée chchch, utilisée pour obtenir le silence, à l’origine de chut. Plus précisément, il réfèrerait au son produit par la mère pour apaiser son bébé en pleurs. Dans ce cas, le sens premier de mon chou aurait été ‘mon bébé’. La locution bout de chou ‘jeune enfant’ et, possiblement, le verbe choyer partageraient la même origine. Ce dernier aurait signifié au départ ‘soigner comme un bébé’. Enfin, bien que la choucroute contienne du chou, le nom choucroute n’a pas non plus de lien étymologique avec chou ‘plante’.
éclair
Éclair a été dérivé du verbe éclairer au XIIe siècle, remplaçant ainsi l’ancien nom espart. Son premier sens, ‘clarté’, se spécialisa très tôt en ‘brève et vive lueur sinueuse et ramifiée observée pendant un orage’. De ce dernier sens fut tiré celui de ‘lueur éclatante et brève’ (elle aperçut l’éclair brillant de la lame), à l’origine de l’expression lancer des éclairs, qui se dit d’un regard exprimant une grande colère, apparue au XVIIIe siècle. On reconnait la composante ‘bref, rapide’ du sens d’éclair dans le sens d’autres locutions telles que éclair de génie, rapide comme l’éclair, à la vitesse de l’éclair, en un éclair, ainsi qu’en apposition, guerre éclair, nouvelle éclair et fermeture éclair (marque de commerce).
L’éclair est également une pâtisserie allongée faite de pâte à choux, fourrée de crème pâtissière et partiellement couverte de sucre fondant. Il a été créé en 1830 par un pâtissier parisien, dont le patronyme contredisait le métier : Antonin Carême… Pour le confectionner, il s’inspira d’une pâtisserie similaire, appelée « petite duchesse », en remplaçant les amandes dont elle était recouverte par du sucre fondant et en la fourrant de crème pâtissière ou de confiture d’abricots. Le nom d’éclair ne fut pourtant attribué à la nouvelle pâtisserie qu’une vingtaine d’années plus tard. Alors que la tradition explique son nom par le fait qu’elle se dévore en un éclair, on peut aussi imaginer que le sucre fondant dont les premiers éclairs étaient décorés avait la forme zigzagante d’un éclair.
paris-brest
La pâtisserie en pâte à choux appelée paris-brest, fourrée de crème pralinée et saupoudrée d’amandes, a été conçue en 1910 par le pâtissier Louis Durand de la commune de Maisons-Laffitte (dans le département des Yvelines) en hommage au Paris-Brest-Paris, une course cycliste effectuant un aller-retour entre Paris et Brest (créée en 1891 à l’initiative du rédacteur en chef du Petit Journal, Pierre Giffard). La forme annulaire du paris-brest rappelle la silhouette d’une roue de bicyclette.
Ce mot rejoint d’autres noms de pâtisseries issus de noms propres désignant soit une ville, comme dacquoise (Dax) et pithiviers (Pithiviers), soit une personne, tels que madeleine (Madeleine), salambo (Salammbô) et frangipane (Frangipani).