OSBL, OBNL et associés
Faut-il dire organisme sans but lucratif ou organisme à but non lucratif ?
On rencontre plusieurs expressions similaires qui désignent un groupement à vocation sociale, éducative ou philanthropique, dont l’objet n’est pas de procurer un avantage économique à ses membres. Les variantes portent sur le premier nom (organisme, association, etc.), sur la construction (sans but, à but non…) et sur l’adjectif (lucratif, économique). On constate beaucoup de flottement dans l’usage et dans les ouvrages de référence. De plus, les termes juridiques précis ne sont pas les mêmes partout dans la francophonie. Dans la langue non administrative de tous les jours, quel que soit le pays, le mot association tout court suffit le plus souvent.
Au Québec, la forme privilégiée par l’Administration est organisme sans but lucratif. Cette forme est employée par exemple au ministère du Revenu. La construction organisme à but non lucratif, qui est également très répandue, est aussi considérée comme correcte. La réponse à la question de départ est donc : les deux formes sont acceptables. Le sujet mérite néanmoins des remarques complémentaires.
Certains trouvent que la tournure organisme sans but lucratif pourrait laisser la fâcheuse impression d’un organisme « sans but », mais l’expression est grammaticalement irréprochable. On pourrait même reprocher une certaine lourdeur à la tournure à but non lucratif. Prenons une paire d’exemples analogues : un homme sans main droite et un homme à main non droite. La deuxième formulation semble plus… maladroite.
Ces deux variantes organisme sans but lucratif et organisme à but non lucratif ont pour sigles respectifs O.S.B.L. et O.B.N.L. Suivant la tendance lourde de l’usage contemporain pour les sigles, il est admis de laisser tomber les points abréviatifs : un OSBL ou un OBNL.
Il est permis de remplacer l’élément organisme par organisation, de sens plus général : organisation sans but lucratif, organisation à but non lucratif. Mais, peut-être en raison de leur longueur, ces variantes sont moins fréquentes. On rencontre aussi parfois des locutions similaires construites avec des noms comme établissement, groupement ou entité.
En revanche, les locutions similaires construites avec société sont à éviter, car un des sens du mot société est « groupement dont les membres visent à partager les bénéfices d’une activité ». C’est notamment son sens juridique en France. Et comme sans but lucratif signifie « qui ne vise pas à générer des bénéfices », la locution société sans but lucratif est, à strictement parler, une contradiction dans les termes.
Pour une raison opposée, des puristes déconseillent aussi les locutions similaires construites avec association, car une association, au sens strict, est nécessairement sans but lucratif (depuis 1901, c’est son sens juridique en France, où elle s’oppose à société). En ce sens, la locution association sans but lucratif ou association à but non lucratif est un pléonasme pour association tout court. Notons que la redondance n’est pas un phénomène inusité dans la langue juridique.
Pléonasmes ou non, ces deux locutions association à but non lucratif (ABNL) ou association sans but lucratif (ASBL) sont malgré tout devenues courantes en France, au point d’être consignées dans des dictionnaires récents. Entre les deux tournures, le prestigieux Dictionnaire de l’Académie française semble hésiter : à l’entrée lucratif, on trouve la locution juridique association à but non lucratif alors qu’à l’entrée but on trouve plutôt l’exemple association sans but lucratif. On retrouve exactement le même flottement dans un dictionnaire usuel comme le Petit Robert 2007.
Toujours en France, on utilise aussi des locutions synonymes qui font explicitement référence à la loi du 1er juillet 1901 qui régit les associations. On trouve par exemple : association loi de 1901, association de type loi 1901, association de la loi 1901, etc. En fait, ces locutions, bien que courantes, sont elles aussi pléonastiques dans la plupart des contextes.
En Belgique et au Luxembourg, c’est la forme association sans but lucratif (ASBL) qui a cours. Elle figure dans la loi belge du 27 juin 1921.
Quant à la Suisse, elle se démarque par le choix de l’adjectif : on y parle d’association sans but économique, car l’expression but économique figure dans la définition de l’association donnée par le Code civil suisse.
Peu importe le pays, le mot association tout court fera habituellement l’affaire dans la langue de tous les jours. Dans le registre familier, on fait même un cran plus court : une assoce, une assoc (prononcer « assok »), une asso. Ces apocopes, qui sont des troncations à la fois orales et graphiques, prennent la marque régulière de pluriel : des assoces, des assocs, des assos. Quant à l’abréviation, qui est un phénomène purement graphique, elle est invariable et s’écrit avec un point : l’abréviation d’association(s) s’écrit assoc. et se prononce « association ».
Bref, pour une association sans lucre et sans reproche, l’expression à préférer dépendra du contexte géographique et du registre de langue.