Histoires de mots - 7 juillet 2014 - 2 min

Condiments estivaux

Lors de notre barbecue d’aout 2012, nous vous avons servi des hamburgers et des hotdogs. Nous les agrémenterons ce mois-ci avec des condiments à l’étymologie savoureuse. Ainsi, la moutarde et la relish sont des incontournables dans la cuisine estivale nord-américaine. En remontant le temps, on verra que le mot relish est, en fin de compte, aussi français que le mot moutarde. Étonnamment, c’est la mayonnaise qui aurait plutôt une saveur catalane. Bonne dégustation !

moutarde

Bien que les graines de moutarde aient été employées comme condiment depuis la préhistoire, ce sont les Romains de l’Antiquité qui ont inventé le condiment à base de ces graines, qu’ils ont appelé sinapis confecta. La recette originale consistait à incorporer du mout de raisin à une pâte de graines de moutarde moulues et à l’additionner de diverses épices. Au fil du temps, de nouvelles recettes sont apparues, remplaçant le mout tantôt par du vinaigre, tantôt par du verjus.

Le mot français moutarde (d’abord mostarde ou moustarde), utilisé dès le Moyen Âge pour désigner le condiment, fut étendu rapidement à la graine entrant dans sa préparation et à la plante la produisant. Dans ces nouveaux sens, il concurrença le mot original senevé (aujourd’hui sénevé, ou bien sènevé, selon les rectifications orthographiques), qui ne s’emploie guère aujourd’hui qu’en référence à la parabole du grain de sènevé de Jésus illustrant la fécondité de la foi.

Moutarde a été formé par l’ajout du suffixe péjoratif -ard (sous sa forme féminine -arde) au nom mout (d’abord most ou moust). Mout nous rappelle un des ingrédients principaux de ce condiment tandis que le suffixe péjoratif évoque sans doute son caractère informe. On remarquera que l’espagnol a utilisé un autre suffixe péjoratif, -azo (aussi sous sa forme féminine -aza), pour former le nom correspondant mostaza.

La formation espagnole affaiblit l’hypothèse, donnée par certaines sources, voulant que le mot moutarde soit issu de mustum ardens ‘mout ardent’, en référence à la saveur épicée du condiment, alors que la substitution d’un suffixe de même sens est beaucoup plus naturelle. On pourrait certes invoquer une réanalyse de l’expression mustum ardens en moust- + -arde, mais la perte de la finale -ens de l’expression latine resterait à expliquer. D’ailleurs, l’expression n’est présente que dans la littérature latine postérieure à la Renaissance, donc bien après les premières attestations de moutarde.

relish

La relish, un condiment sucré fait de cornichons hachés, représente, avec la moutarde, un des deux condiments inséparables de la cuisine au barbecue québécoise. L’ajout de relish au hamburger ou au hotdog n’est courant que dans le nord de l’Amérique du Nord. Ce condiment est analogue à la pickled relish anglaise, qui constitue une des nombreuses variétés de relish préparées avec d’autres sortes de légumes, des fruits, ou même des anchois (Gentleman’s Relish).

Le mot anglais relish est d’origine française ; il proviendrait du mot reles ‘ce qui est laissé, ce qui reste’ de l’ancien français, déverbal de relaisser ‘laisser’. Le mot anglais s’écrit d’abord reles comme en français (XIIIe siècle), avant de prendre sa forme chuintée moderne relish à partir du XVIe siècle. Le premier sens connu est celui de ‘gout’, soit ‘ce qui reste comme sensation après que l’aliment a touché la langue’. Au milieu du XVIIe siècle apparait le sens ‘plaisir de savourer’, qui, par métaphore, conduit au sens de ‘condiment’ à la fin du XVIIIe siècle. En français, le mot est courant depuis au moins le XXe siècle au Québec alors qu’il reste toujours étranger à l’Europe francophone, si l’on fait exception des rares emplois référant à la cuisine anglo-saxonne ou québécoise.

mayonnaise

Bien que la mayonnaise ne soit pas traditionnellement associée au hamburger, on trouve aujourd’hui quelques recettes mariant les deux. Son utilisation avec les frites est, par contre, beaucoup plus fréquente, particulièrement dans le nord de la France, en Belgique et aux Pays-Bas; on la trouve aussi dans certaines recettes de salades, sandwichs et autres plats froids.

La Catalogne, qui connait de nombreuses variétés d’aïoli depuis le Moyen Âge, serait à l’origine de la mayonnaise et de son appellation. Lorsque le duc de Richelieu s’empare d’une des villes de cette région, Mahón (dans l’ile de Minorque), on y découvre l’aïoli local, qu’on importe en France en l’adaptant aux palais des Français. Le nom primitif de la sauce modifiée aurait été mahonnaise, inspiré par cette ville minorquine. La première attestation du mot est tardive et présente déjà la graphie moderne dans l’expression à la mayonnaise. Le remplacement du h pour un y est peut-être dû à une confusion avec la ville de Bayonne, à une influence du mot classique moyeu ‘jaune d’œuf’ ou bien simplement à une euphonisation du hiatus a-o.

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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