Ces dates qui font date
Certains évènements sont passés à l’histoire sous un nom qui rappelle le moment où ils sont survenus. Quelques-unes de ces dates historiques sont commémorées par des fêtes annuelles du même nom ou encore se sont inscrites dans le paysage urbain sous la forme de noms de rues et autres odonymes. Ces divers types de dénominations présentent quelques particularités d’écriture qu’il est bon de connaitre. Les conventions ici présentées sont celles qui sont le plus souvent recommandées.
Rapide rappel sur les dates usuelles
Une date quelconque exprimée dans le calendrier grégorien comprend habituellement une mention du quantième, c’est-à-dire du numéro d’ordre du jour dans le mois, une mention du mois et une mention de l’année.
Le quantième s’écrit en chiffres arabes. Il est suivi du nom de mois, qui ne prend pas de majuscule, puis du numéro de l’année, en chiffres arabes :
15 mai 2022
Ces éléments sont séparés de préférence par des espaces insécables. Plus de détails là-dessus dans le Point de langue sur les espaces insécables.
À l’intérieur d’une phrase, la date est précédée d’un déterminant :
Elle est née le 15 mai 1973.
Ce déterminant est masculin, car l’expression peut être comprise comme signifiant « le quinzième jour de mai 1973 ».
Le caractère ordinal du quantième est plus manifeste dans le cas du premier jour du mois, puisque l’on dit à l’oral « premier » (et non « un ») et qu’on emploie à l’écrit l’abréviation 1er :
le 1er mai 2022
Dates dans les noms d’évènements historiques
Certains évènements historiques sont couramment désignés par un nom qui fait référence à la date, complète ou partielle, où ils se sont produits.
Lorsque le nom générique de l’évènement (révolution, guerre, etc.) et l’année sont tous deux explicités, ce nom générique et l’éventuelle mention du mois conservent la minuscule initiale habituelle :
la révolution de 1789
la rébellion de 1837
le coup d’État du 2 décembre 1851
la guerre franco-allemande de 1870
la révolution d’octobre 1917
l’armistice du 11 novembre 1918
l’appel du 18 juin 1940
les évènements de mai 1968
la crise d’octobre 1970
les attentats du 11 septembre 2001
Certains évènements survenus en France à l’époque de l’emploi du calendrier républicain (de 1793 à 1806) sont désignés par leur date dans ce calendrier. Outre ses noms de mois particuliers, il se distingue par la façon de désigner l’année (le nom an suivi du numéro en chiffres romains) :
le coup d’État du 18 brumaire an VIII
Dans le cas d’un évènement étalé sur plusieurs années, l’intervalle est indiqué par deux mentions d’année séparées par un trait d’union :
la guerre russo-japonaise de 1904-1905
la guerre de 1914-1918
Deux évènements considérés comme distincts seront plutôt marqués par la conjonction de coordination :
les rébellions de 1837 et de 1838
les révolutions de février et d’octobre 1917Ne pas confondre ces deux principaux épisodes de la révolution russe ou révolution de 1917 : le premier aboutit à la chute du régime tsariste et le second à la prise du pouvoir par les bolchéviques. À noter aussi que ces noms de mois février et octobre font référence au calendrier julien, qui fut d’usage civil jusqu’en 1918 en Russie, et qui est décalé de 13 jours par rapport au calendrier grégorien. Dans celui-ci, ces évènements se sont plutôt déroulés en mars et en novembre, mois de leur commémoration.
Les noms d’évènements historiques ont souvent des variantes courantes où certains éléments sont omis. Ces variantes elliptiques peuvent suffire dans des contextes sans ambigüité, mais on compense cette perte de précision par l’emploi de la majuscule au nom du mois pour individualiser l’évènement et le distinguer d’une date ordinaire :
le 18 Brumaire
la révolution d’Octobre
l’appel du 18 Juin
Mai 1968
le 11 Septembre
Exemples d’emploi dans des phrases complètes :
Le 18 Brumaire mit fin au régime du Directoire.
La révolution d’Octobre changea le cours de la guerre.
L’appel du 18 Juin lança la résistance à l’occupation.
La société française fut ébranlée par Mai 1968.
Aurait-on pu empêcher le 11 Septembre ?
À propos du dernier exemple, notons qu’on trouve assez souvent l’emploi du trait d’union :
le 11-Septembre
Cette pratique n’est toutefois pas recommandée, car elle s’écarte des conventions habituelles pour le français. Elle s’explique peut-être par l’influence de formes étatsuniennes comme 9-11, ou encore par une confusion avec les conventions d’écriture des noms de rues (voir la dernière section ci-dessous).
Bien que ce soit à éviter dans un registre soigné, on admet la réduction de l’année à ses deux derniers chiffres :
Mai 68
Octobre 70
la guerre de 14-18
Dans certains contextes non ambigus, la désignation d’un évènement historique peut se réduire à un seul élément :
Il rappela les idéaux de 1789.
= … de la révolution de 1789.
Analyser les conséquences d’Octobre.
= … de la révolution d’octobre 1917 (en Russie).
= … de la crise d’octobre 1970 (au Québec).
Sauf contexte contraire, l’expression la Révolution tout court, avec majuscule, fait généralement référence à la révolution de 1789, mieux connue sous l’appellation Révolution française. La majuscule dans cette dernière locution constitue une exception au principe voulant que l’élément générique conserve la minuscule s’il est spécifié par un adjectif ou un complément. Il semble donc que la Révolution n’ait pas aboli tous les privilèges !
Dates dans les noms de fêtes
Certains évènements historiques sont commémorés annuellement par une fête civile ou nationale ayant habituellement lieu le jour anniversaire de l’évènement. Le nom de cette date (le quantième et le mois) sert parfois aussi de nom usuel de la fête (qui peut par ailleurs avoir un nom officiel différent). On met alors une majuscule au nom du mois :
le 1er Mai
fête commémorant un conflit ouvrier survenu à Chicago en mai 1886, aussi appelée fête des Travailleurs ou Journée internationale des travailleurs
le 8 Mai
fête commémorant la fin de la guerre en Europe en 1945 (capitulation de l’Allemagne, officiellement signée le 9 mai peu après minuit heure de Moscou, ce qui explique qu’elle est plutôt célébrée le 9 mai en Russie)
le 14 Juillet
fête commémorant la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, devenue fête nationale de la France
le 11 Novembre
fête commémorant l’armistice du 11 novembre 1918, aussi appelée jour du Souvenir au Canada et fête de l’Armistice, jour de l’Armistice ou l’Armistice ailleurs dans la francophonie
D’autres fêtes civiles ou nationales couramment désignées par leur date ont pour origine une fête du calendrier chrétien :
le 24 Juin
fête aussi appelée fête nationale du Québec ou, en référence à la fête chrétienne, la Saint-Jean-Baptiste ou la Saint-Jean
le 15 Aout
fête aussi appelée fête nationale de l’Acadie ou, en référence à la fête chrétienne, l’Assomption
Dans les désignations de ce type, il est préférable de garder la majuscule au nom du mois même quand la désignation est précédée du nom générique fête :
la fête du 14 Juillet
la fête nationale du 14 Juillet
La majuscule est justifiée dans la mesure où cette construction s’analyse comme une apposition (« la fête appelée le 14 Juillet ») plutôt que comme un complément temporel (« la fête qui a lieu le 14 juillet »).
Voici quelques exemples d’emploi :
Ils vont participer au défilé du 1er Mai.
Elle ne manque jamais le bal du 14 Juillet.
La télévision diffuse les cérémonies du 11 Novembre.
Comment allez-vous fêter le 15 Aout ?
Dans ces noms de fêtes, les quantièmes sont parfois écrits en toutes lettres (avec majuscule initiale) plutôt qu’en chiffres :
le Premier Mai
le Quatorze Juillet
le Onze Novembre
À noter que, dans le nom de fête le Premier de l’an, célébrée le 1er janvier, le mot Premier, toujours écrit en toutes lettres, ne représente pas le quantième du mois. L’expression s’analyse plutôt comme signifiant « le premier jour de l’année ». Plus de détails dans notre chronique sur les fêtes de fin d’année.
Pour ce qui est des noms d’évènements historiques et de fêtes formés d’un nom du jour de la semaine, comme le jeudi Noir ou le mercredi des Cendres, ils ont été examinés dans le Point de langue sur les jours de la semaine.
Dates dans les noms de rues
Une autre voie par laquelle le passé se rappelle à nous est la voie publique : certains noms de rues, de places, de boulevards (noms génériquement appelés odonymes) évoquent des évènements historiques ou des fêtes.
Ces odonymes sont constitués d’un nom générique de voie publique (rue, place, boulevard, etc.) suivi d’un élément spécifique qui l’individualise et qui, dans les cas qui nous concernent ici, consiste en une date.
Le générique s’écrit sans majuscule. Les éléments de la date sont reliés par des traits d’union, et ceux qui ne sont pas des chiffres commencent par une majuscule.
avenue du 14-Juillet
rue du 1er-Mai
rue du 8-Mai-1945
place du 11-Novembre
place du 11-Novembre-1918
Les quantièmes sont généralement écrits en chiffres, mais on les trouve parfois en lettres, avec majuscule initiale :
avenue du Quatorze-Juillet
rue du Premier-Mai
place du Onze-Novembre
Dernière remarque : l’emploi du trait d’union dans les odonymes n’est pas universellement pratiqué. On peut donc aussi trouver des formes comme :
avenue du 14 Juillet
rue du 1er Mai
place du Onze Novembre
On veillera dans la mesure du possible à respecter les graphies officielles locales.