Points de langue - 2 janvier 2023 - 3 min

Autour d’alternative

Alternative, alternance, alternatif... sujet d’évolution et objet d’hésitation, cette famille lexicale mérite que l’on prenne de ses nouvelles.

Le nom alternative

Dans son emploi traditionnel, le nom alternative désigne une situation où se présentent deux éventualités mutuellement exclusives entre lesquelles il faut choisir. Le mot signifie alors « choix entre deux possibilités » :

Voici l’alternative : exécuter les ordres ou démissionner.
Les deux termes de l’alternative comportent des inconvénients.
Être placé devant une cruelle alternative.
L’alternative est simple : vaincre ou mourir !

Par ailleurs, et ce n’est pas récent, le mot est souvent employé pour parler de l’une ou l’autre des éventualités présentées :

Si tu ne veux pas exécuter les ordres, l’alternative est de démissionner.
Je préfère la deuxième alternative à la première.
Il n’y a pas d’autre alternative.

Le mot en est aussi venu à désigner toute « solution de remplacement » ou « solution de rechange ». Il est alors souvent suivi de la préposition à et d’un nom complément indiquant ce qu’il s’agit de remplacer :

C’est une intéressante alternative à la méthode traditionnelle.
Une alternative au modèle capitaliste est-elle possible ?

Dans cet emploi, le nombre de possibilités n’est pas nécessairement limité à deux :

Il existe de nombreuses alternatives à l’énergie fossile.
C’est un partisan des alternatives à l’incarcération des délinquants.
Après avoir évalué toutes les alternatives, il a arrêté son choix.

Ces emplois, qui ont été, au moins en partie, influencés par des sens semblables du nom anglais alternative, ont souvent fait l’objet de critiques dans des ouvrages de référence, mais force est de reconnaitre qu’ils se sont bien implantés dans l’usage français. On les trouve dans des textes de toute nature (littéraires, journalistiques, techniques) et de tout registre.

Ces glissements de sens sont assez compréhensibles. Prenons cette phrase :

Il n’y a pas d’alternative.

Elle signifie en principe « il n’y a pas de choix », ce qui est essentiellement équivalent à « il n’y a pas d’autre solution » ; cette équivalence peut expliquer que le mot alternative y soit interprété comme signifiant « autre solution » plutôt que « choix entre deux solutions ».

De la même façon :

Je vous offre une alternative.

Entre l’interprétation « je vous offre un choix » et « je vous offre une autre solution », il n’y a qu’un petit pas que l’usage a allègrement franchi.

On remarquera d’ailleurs que des noms sémantiquement voisins d’alternative, comme option et choix, possèdent la même polysémie, sans que personne ne s’en offusque : selon le contexte, ils peuvent désigner l’ensemble des possibilités ou l’une ou l’autre de celles-ci.

Sens collectif :

Vous avez l’option entre ces deux possibilités.
Voici le choix de desserts au menu.

Sens individuel :

Je choisis la deuxième option.
Voici mon choix : la tarte aux pommes !

En plus d’option et de choix, plusieurs synonymes sont à la disposition des puristes qui voudraient éviter l’emploi critiqué d’alternative :

éventualité
possibilité
solution (de rechange, de remplacement)
issue
voie
parti
terme (de l’alternative)

Pour conclure cette section, rappelons les nuances d’emploi entre alternative et dilemme, de même qu’entre alternative et alternance.

alternative et dilemme

Dans son sens courant, le nom dilemme, désigne une « situation où l’on doit choisir entre deux possibilités contradictoires comprenant toutes deux des désavantages » :

Son dilemme : sacrifier sa sécurité ou sacrifier sa liberté.
Être placé devant un cruel dilemme.
Comment sortir de ce terrible dilemme moral ?

On y reconnait le premier sens du nom alternative, à la différence que les termes d’une alternative ne sont pas nécessairement désagréables :

Tarte aux pommes ou tarte aux fraises : plaisante alternative !

Cela dit, quand le contexte s’y prête, le mot dilemme pourra servir d’intéressante alternative à alternative. On veillera cependant à ne pas commettre l’erreur fréquente consistant à prononcer ou à écrire *dilemne.

Précisons que ces deux noms ont un sens légèrement différent dans le jargon de la logique. Une alternative y est un système de deux propositions telles que la vérité de l’une entraine la fausseté de l’autre, et réciproquement, comme ces deux propositions :

Le gardien en service était à son poste quand le vol s’est produit.
Le gardien en service n’était pas à son poste quand le vol s’est produit.

Et un dilemme au sens logique est un raisonnement où les deux termes d’une alternative mènent à une conclusion identique. Ainsi, de la précédente alternative on peut conclure :

Le gardien en service a manqué à son devoir.

alternative et alternance

Le nom alternative peut aussi signifier « succession dans un ordre régulier de deux états plus ou moins opposés ». De nos jours, on ne l’utilise plus qu’au pluriel dans ce sens :

Des alternatives de chaleur et de froid.
Des alternatives d’exaltation et d’abattement.

On emploie plus couramment le synonyme alternance, au singulier ou au pluriel :

Une alternance de chaleur et de froid.
Des alternances de chaleur et de froid.

L’adjectif alternatif

L’adjectif alternatif signifie entre autres « qui se produit selon une alternance » et « qui suit un mouvement de va-et-vient ». Il a par ailleurs connu une évolution sémantique parallèle à celle du nom : il en est venu à qualifier non seulement des choix binaires, mais aussi tout ce qui constitue une solution de remplacement :

Suggérer une voie alternative.
Il existe des méthodes alternatives.
Une solution alternative.

Comme pour le nom, cette extension de sens influencée par l’anglais a été critiquée, et on dispose en effet de formulations équivalentes :

Suggérer une autre voie.
Il existe d’autres méthodes.
Une solution de remplacement.

Mais l’usage a néanmoins adopté massivement cet emploi d’alternatif.

L’adjectif peut aussi signifier plus spécifiquement « qui propose une façon de faire autre que la façon conventionnelle » :

C’est un adepte des médecines alternatives.
Une école alternative qui applique des méthodes originales.
Pratiquer une agriculture alternative.
Musique commerciale et musique alternative.   Tourisme alternatif.

Dans les domaines politique et sociologique, l’adjectif qualifie souvent des courants qui remettent en question le système de production et de consommation :

Philosophie alternative.
Magazine alternatif.
Elle milite dans un groupe de la mouvance alternative.

Attention d’ailleurs à l’ambigüité de l’expression mouvement alternatif, qui peut revêtir ce sens politique ou le sens concret de « mouvement de va-et-vient », comme celui d’un pendule. Même ambigüité avec courant alternatif !

L’adjectif peut lui aussi être accompagné d’un complément introduit par la préposition à :

Des voies alternatives au néolibéralisme.

Dans ce dernier exemple, ne pas commettre le fâcheux contresens de rattacher mentalement le syntagme prépositionnel au nom voies !

Cet article a été concocté par
les linguistes d’Antidote

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